ALERTE NOVEMBRE 2023 : CONFLITS D'USAGES SUR LE CHEMIN DE COMPOSTELLE…
Le conflit qui oppose randonneurs et propriétaires n’est pas le plus médiatisé du moment… La presse s’en est néanmoins préoccupée. Dans Le Figaro du 1er novembre 2023, le bien nommé E. de la Chesnais observe ainsi :, 8 : « La surfréquentation de certains chemins et l’incivilité créent des conflits d’usage avec les locaux. Des affaires qui se règlent parfois au tribunal » (Quand les randonneurs exaspèrent les riverains, p. 8). Si ces questions se posent régulièrement sur les longs chemins de pèlerinage et notamment sur celui de Compostelle, elles se renouvellent à propos des trails de solidarité, souvent moins longs … mais qui se multiplient.
Signe de notre légicentrisme maladif, le législateur pourrait se saisir de la question. Le député de la Lozère Pierre Morel-A-l’Huissier propose ainsi de « s’emparer du sujet à l’Assemblée nationale ».
Le Droit des usages ne pourrait-il pas plus paisiblement évoquer la question ? Essayons-nous à l’exercice.
- Un droit de passage usuel supposerait qu’un chemin soit identifié, constamment utilisé. Il conviendrait que ledit droit de passage soit opposable au riverain. A cet égard, on pourra s’inspirer du récent arrêt rendu par la Cour de cassation en matière d’opposabilité des usages pour signaler que la connaissance du chemin par le propriétaire pourra valoir acceptation (Cass. com. 4 octobre 2023, n°22-15685 ; JCP, 2023, 1197, note E. Araguas, L’usage et l’avisé : qui connaît accepte !).
- Quels seraient alors les effets de pareil usage ? Il s’agirait d’une prérogative réelle semblable à une servitude (Sur le sujet : T. Revet, Les effets réels des usages, Colloque du 22 juin 2023 à la Cour de cassation, https://www.youtube.com/watch?v=x-du2LKBMoc)
- Resterait à identifier l’autorité compétente pour connaître de pareil litige. Le tribunal judiciaire serait a priori compétent étant observé que l’implication de collectivités publiques pourrait rendre la compétence plus délicate. En l’absence d’un gardien des usages du chemin de Compostelle et compte tenu de l’inarbitrabilité de la matière publique (Article 2060 du Code civil), l’arbitrage serait aussi hasardeux. Une conciliation serait plus heureuse (Dans ce sens : S. Aubert, F.-X. Diague, D. Lassalle, H. Devin et J.-R. Piquet, La valorisation des usages pastoraux pyrénéens, IDU/LexisNexis 2023). Dans ce sens, l’Institut des usages a rendu un avis invitant à la constitution de centres de conciliation en la matière (Avis n°2022-02-01).
Alors pourquoi ne pas concilier ces conflits d’usages ? Une seule certitude : cela coûterait moins cher qu’une loi et des procès !
P. M.