ALERTE FEVRIER 2020 : DEONTOLOGIE DES AVOCATS ET USAGES
Déontologie de la profession d’Avocat, par J. Laurent, B. Chaffois, Ch. Boërio et K. Moya, La bibliothèque de l’avocat, EFB, LGDJ Lextenso, 3ème éd., décembre 2019)
La récente parution de la 3ème édition de l’excellent ouvrage Déontologie de la profession d’avocat sous la direction du Professeur Thierry Revet est l’occasion de souligner l’origine coutumière de certains éléments anciens et nouveaux de cette déontologie.
Depuis longtemps, certains usages imprègnent les sources réglementaires de cette matière. L'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004, dispose d’ailleurs que : " …Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil national des barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat ".
Les usages des avocats peuvent cependant exister indépendamment de ces règlements. Les dernières prestations de serment du mois dernier ont ainsi permis aux nouveaux avocats de lever la main droite, paume levée, alors que ce geste n’est requis à notre connaissance par aucun texte, national ou local. De façon plus polémique, nous pensons aussi que la non-déclaration de soupçon par les avocats en matière de blanchiment de capitaux est un usage contra legem de cette profession. Le remarquable « zéro pointé » affiché en 2017 dans le rapport TRACFIN quant aux nombre de déclarations notifiées à TRACFIN en est un signe. L’unique déclaration de soupçon notifiée en 2018 à TRACFIN ne témoigne pas d’une réelle désuétude (P. Mousseron, Un usage, la non-dénonciation de soupçon (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02315583/document).
Dans cette concurrence entre le Droit des usages « unifié » par le CNB et le « Droit des usages libre », le Conseil d’Etat a rappelé le 29 janvier 2018 les limites du rôle du Conseil National des Barreaux. Il a ainsi jugé que le CNB « ne peut légalement fixer des prescriptions nouvelles qui … ne seraient pas une conséquence nécessaire d'une règle figurant au nombre des traditions de la profession » (CE 29 janvier 2018, 403101). Cette solution n’est pas nouvelle (K. Magnier-Merran, Pour un renouveau des usages de la profession d’avocat, Dr. et pat., sept. 2017, p. 62). Son rappel a néanmoins un double avantage : d’une part, rappeler que tout le Droit des usages n’a pas vocation à être « unifié » et d’autre part, conforter une hiérarchie au sein du Droit coutumier entre les usages et les traditions.
P. M.