Par deux arrêts rendus le 7 février 2012, la chambre commerciale de la cour de cassation précise utilement la force et les limites des usages en matière de ventes commerciales.
Dans la première espèce (n°10-27716), un acheteur de tubes en inox se plaignait de la non-conformité de tubes achetés auprès d’un vendeur. L’épaisseur de ces tubes destinés à la Marine Nationale n’était en effet pas régulière. Pour sa défense, le vendeur, fabricant généraliste de produits en inox, invoquait des « tolérances usuelles ». Pour établir la conformité des tubes, la cour justifie dans ce contexte l’invocation des usages : « « Que l’arrêt retient que le silence du contrat sur les tolérances n’exclut pas celles qui sont conformes aux normes usuelles … ». Cet arrêt rappelle la solution désormais traditionnelle selon laquelle les usages sont invocables même en l’absence de clause y renvoyant : « le silence du contrat sur les tolérances n’exclut pas celles qui sont conformes aux normes usuelles ». De façon plus originale, il prend en compte le caractère généraliste du fabricant pour n’appliquer à celui-ci que les usages spécifiques des fabricants généralistes et point ceux des fabricants en général.
La seconde espèce (n°10-30912) illustre davantage les limites des usages. A propos d’une vente internationale de fruits et légumes, une société qui avait expédié des poires invoquait le code d’usages COFREL pour établir l’existence d’une vente et réclamer le paiement des fruits livrés. La cour juge que ce code d’usages ne peut suffire à déterminer la chose objet de la vente : « Mais attendu qu'ayant retenu que n'était spécifié ni l'unité concernée (kilogrammes ou colis), ni la quantité expédiée, ni le calibre ou la qualité des poires, le code des usages dits "Cofrel" ne pouvant suppléer cette absence complète d'accord formalisé sur la chose, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'un accord écrit portant sur une vente, a, par ces seuls motifs et abstraction faite de ceux, surabondants, que critique la première branche, légalement justifié sa décision».
Si les usages ne peuvent être ignorés, ils ne permettent cependant pas de demander le paiement de poires non commandées.