UNE ORDONNANCE RADICALEMENT ANTI-CORRIDA !
(TA Montpellier 16 mai 2023, n°23022171 et 2302216)
Saisi par les associations Comité radicalement anti-corrida (CRAC) et Alliance anti-corrida et par trois contribuables de Pérols, le Tribunal administratif de Montpellier a rendu le 16 mai 2023 une ordonnance qui agite le mundillo … notamment après la grande manifestation de défense des traditions taurines qui avait rassemblé plus de 13.000 personnes le 11 février 2023 à Montpellier.
Rendue en application de l’article L. 521-1 du code de la justice administrative, l’ordonnance suspend l’exécution des délibérations du conseil municipal de Pérols autorisant un spectacle taurin avec mise à mort de six taureaux prévu dans les arènes de la ville pour le 15 juillet 2023.
Pour fonder cette décision, le juge des référés considère « au sens de l’article 521 du code pénal » (nous y reviendrons) que la novillada envisagée « doit être regardée, qu’elle se conclue ou pas par une mise à mort du ou des taureaux, comme un mauvais traitement volontaire envers des animaux pénalement réprimé par l’article 521 du code pénal, sauf lorsqu’existe une tradition locale ininterrompue de courses taurines ». Lorsque cette tradition n’est pas établie, l’organisation de ce type de manifestations sur le territoire d’une commune est interdite. L’existence d’une tradition locale ininterrompue de courses de taureaux doit être appréciée dans le contexte d’un ensemble géographique qui, s’il ne se limite pas aux limites de la commune concernée, garde une dimension locale. En l’espèce, il est constant qu’aucun spectacle taurin ne s’est tenu sur le territoire de la commune de Pérols depuis 2003, soit 20 ans. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la commune de Pérols doit être regardée, compte tenu notamment de son inclusion dans la métropole Montpellier Méditerranée Métropole, de son schéma de cohérence territoriale qui la classe dans le bassin de vie de Montpellier et de l’attractivité de l’aire montpelliéraine, comme se rattachant à l’ensemble démographique de Montpellier. Dès lors, compte tenu de l’absence de toute tradition locale ininterrompue, le conseil municipal de Pérols, ne pouvait légalement, sans méconnaître les dispositions précitées de l’article 521 du code pénal, autoriser ...la tenue le 15 juillet 2023 d’un spectacle taurin dans les arènes municipales ».
Cette ordonnance autorise trois observations techniques :
- Elle est rendue par le juge administratif et point par le juge judiciaire. Cette solution s’explique par la célérité des demandeurs qui plutôt que d’agir a posteriori en responsabilité contre les élus ont saisi le juge administratif à titre préventif. Ce choix s’est avéré d’autant plus opportun pour les associations anti-corrida que la méthode d’appréciation de la tradition locale ininterrompue par le juge administratif est distincte et plus étroite que celle utilisée par le juge judiciaire et notamment par la chambre criminelle de la cour de cassation dans son dernier arrêt n°22-80156 du 6 décembre 2022.
- La méthode d’appréciation de cette tradition locale par le juge administratif fait la part belle aux considérations… administratives et notamment à l’intégration de la commune de Pérols dans la Métropole et dans le SCOT de Montpellier. Si ce tropisme administratif surprend peu, la pertinence de ces références et notamment la considération de de ce dernier document d’urbanisme n’apparaît pas immédiatement en matière de tradition taurine. On est plus surpris du silence de l’ordonnance quant à la pratique de la corrida dans des communes voisines comme Palavas ou Mauguio.
- Finalement, le juge administratif s’appuie sur l’article « 521 » du code pénal qui malheureusement n’existe pas… N'existent-en effet que les articles 521-1 sur les « sévices graves ou actes de cruauté » et 522-1 sur les « atteintes volontaires à la vie d'un animal ». S’agissant d'une novillada piquée avec mise à mort, le second texte aurait paru pertinent. Toutefois, le Tribunal s’emmêle un peu les banderilles et s’appuie sur le texte du premier de ces articles. Contrairement à la matière pénale, ces erreurs de visa sont peu susceptibles de justifier la cassation en matière administrative. Mais, sait-on jamais ?
P. A.