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ALERTE OCTOBRE 2023 : HABEMUS CODICEM, UN CODE CIVIL SAOUDIEN

ALERTE OCTOBRE 2023 : HABEMUS CODICEM, UN CODE CIVIL SAOUDIEN

Si à la fin d’un conclave, les cardinaux s’acclament « Habemus Papam », chez nous en Arabie Saoudite, nous avons apparemment le droit de faire une acclamation pareille, « Habemus Codicem ». 
Un texte si attendu vient d’être promulgué. 

Dans l’histoire du Droit islamique, c’est la deuxième fois qu’un pays change fondamentalement, et d’un seul coup, son corpus juris régnant sur les transactions civiles, en remplaçant la Sharia’a par un code civil. La première a eu lieu sous l’empire Ottoman, avec les Tanzimat (règlementations), initiée par le Sultan Abdul Majid en 1839. La deuxième, actuelle, en Arabie Saoudite vient reconfirmer l’insuffisance technique de la loi islamique à gérer une société moderne. Une insuffisance technique car, en l’espèce, la loi islamique est abondante en matière de principes généraux de Droit, mais souffre d’un manque avéré au niveau des règles substantielles formulant des effets clairs et directs à des situations juridiques complexes. Cette insuffisance la rend au-dessous de la complexité sociojuridique qui envahit un pays entièrement musulman comme l’Arabie Saoudite.

La nouvelle loi, dite « Loi des transactions civiles », accorde à l’usage un statut prépondérant et holistique du fait qu’il reçoit application dans les diverses phases du cycle contractuel. En effet, il y est fait 34 références portant sur le statut des biens (Art. 21) et le contrat. 

En matière contractuelle, les usages s’appliquent sur les aspects portant sur l’identification du régime applicable au contrat (Art. 95 et 711), la conclusion du contrat (Art. 36 et 44), la définition de l’objet du contrat (Art. 42, 73, 109, 193, 446, 463, 486, 555), les modes d’exécution du contrat (Art. 276, 322, 419, 695, 704), les modes de fixation du prix (Art. 314), les effets du contrat (Art. 339, 425, 433, 556, 558, 613, 617), la durée du contrat (413), la modification du contrat (Art. 106), l’interprétation du contrat (Art. 104) et les causes de nullité du contrat (Art. 69). Dans plusieurs de ces dispositions, l’usage reçoit l’application avant, et parfois sans, application des dispositions légales. 

L’article 95 retient la quasi littéralité de l’article 1194 du Code Civil (« Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi ») en disposant que : « Le contrat ne se limite pas à lier la partie contractante à ce qui y est indiqué, mais comprend ses exigences conformément aux textes réglementaires, à l’usage et à la nature du contrat ».   

Quant aux principes généraux de la loi islamique, entérinés dans la nouvelle Loi sous forme de principes juridiques positifs, la nouvelle Loi y réserve un accueil particulier aux usages. Elle énonce deux règles portant sur l’usage et sur l’habitude, et ces règles sont qualifiées comme étant des règles fondamentales : 
Quatrième règle : La désignation par voie d’usage vaut désignation par texte légal ;
Cinquième règle : Ce qui est connu par usage est comme ce qui est prévu contractuellement.

Ces deux règles visent à centraliser les dispositions de la Loi et le statut de l’usage comme étant les cadres quasi-exclusifs pour régir les questions civiles. Cette centralisation normative ne peut se justifier que par un souci de réduire l’impact du cadre religieux qu’occupe la Sharia’a depuis plus qu’un millénaire. Cette vision se constate en analysant les défaillances de la nouvelle Loi en matière du statut des usages. 

Nonobstant la dimension accordée à l’usage pour régir les transactions civiles, la nouvelle Loi n’aborde pas sa définition en tant que norme. La cause pourrait résider au fait que la seule doctrine abondante et disponible en la matière est sise dans les ouvrages des théologiens de la Sharia’a, alors que l’intention législative sous-tendant la nouvelle Loi semble être un distancement vis-à-vis de la volonté divine. En fait, la nouvelle Loi fait deux références seulement à la Sharia’a, selon lesquelles cette dernière est applicable à titre uniquement provisoire, alors que l’usage fait l’objet de 34 références. L’intention législative semble être remplacer la volonté divine par deux autres volontés, étatiques (lois et règlementations) et sociétales (usages).

La nouvelle Loi n’apporte même pas des clarifications sur les conditions requises pour reconnaitre un usage en tant que tel, ni les éléments qui sont censés le composer. Plus essentiellement aussi, la nouvelle Loi ne fournit pas d’éléments tangibles sur les modes de preuve des usages. 

Les faiblesses au niveau de la définition, de la formation et de la reconnaissance de l’usages inciteront certainement les tribunaux saoudiens à puiser dans la seule source qui est abondante en la matière, à savoir les écrits et les commentaires des grands théologiens de la loi islamique. Or si la Sharia’a vient de perdre du terrain en tant que cadre substantiellement réglementaire, mais il demeure absurde de s’attendre à ce qu’elle cesse soudainement de servir comme cadre savant ou doctrinal, ou de guider les choix des juges saoudiens. Elle continuera à inspirer les juges saoudiens à chaque fois qu’une faille est déduite dans la nouvelle Loi. 

Nous attendons vivement l’application qui sera faite par les tribunaux saoudiens des dispositions de la nouvelle Loi portant sur les usages. La position qu’ils prendront en traitant le statut émergeant des usages et leur place dans le quotidien juridique des justiciables saoudiens démontrera si le système judiciaire saoudien s’alignera avec la modernisation déclarée de la part du législateur, ou s’il demeurera fidèle au système religieux antécédant.

Naïm Al Chami 
Khobar, Arabie Saoudite 
Le 6 Octobre 2023