VŒUX DE NOUVELLE-FRANCE
Dans une Alerte d’octobre 2020 intitulée Le Droit des usages se lève à l’Ouest, nous soulignions tout le profit que les juristes pourraient retirer de l’expérience canadienne. On se rappelle ainsi que l’article 35 de la loi constitutionnelle du Canada promeut explicitement les « droits ancestraux » fondés sur des usages et que ses tribunaux les reconnaissent largement en conférant par-delà même ces droits des titres aborigènes.
Un séjour hivernal au Québec témoigne de ce que ce phénomène s’accentue notamment en Nouvelle-France :
- sur les recommandations de la Commission Réconciliation et Vérité, les Université de la belle Province ont ainsi intégré dans leur cursus un cours de Droit autochtone obligatoire dès la première année ;
- les Facultés de Droit promeuvent des systèmes juridiques non-étatiques non seulement en matière interne mais aussi internationale (Indigeneous Peoples and International Trade, ed. J. Borrows et R. Schwartz, Cambridge University Press, 2022) ;
- surtout, la cause autochtone se répand de façon constructive. On ne compte plus ainsi les expositions sur les peuples autochtones ou les procédures d’hommage (land acknowledgement) pour inaugurer les manifestations culturelles ou professionnelles organisés sur d’anciens territoires autochtones.
Face à cette lumière d’Occident, l’Ancienne-France (ne parlons pas de l’Union européenne) s’arc-boute sur ses ressorts règlementaires, son indivisibilité et sa hantise du communautarisme.
Certes, le Québec n’est pas la France ; il n’a notamment pas connu sa nuit du 4 août 1789. Ceci étant, sa redécouverte du Droit des usages compris entre la Tradition de chaque Nation et le Droit constitutionnel étatique témoigne des ressources de l’instrument usuel.
Reconnaître un Droit autochtone n’est pas sacrifier au communautarisme ; ancienne membre du très étatique Conseil constitutionnel, Dominique Schnapper a ainsi promu dès 1994 La communauté des citoyens.
La promotion des droits autochtones est aussi distincte de la flagellation wokiste apparue bien après.
Puiser à l’expérience canadienne, c’est reconnaître que, comme ailleurs, le système étatique n’a pas réponse à tout. Comme l’Afrique nous le fait comprendre, notre légicentrisme a fait son temps. Les juristes français n’ont qu’à se féliciter de cette ouverture autrement plus enrichissante que les sombres perspectives uniformisantes de l’intelligence artificielle.
Alors, belle année 2024 au Droit des usages dans une France ouverte à la reconnaissance du pluralisme juridique !
P. M.